Repères biographiques

Née à Paris le 10 février 1964. Elle grandit à Fontenay aux roses et emménage à Paris en 1982. Elle intègre les Beaux-Arts de Paris en 1986, dessinant beaucouo d’après nature et au Louvre, admire les Nabis. Elle obtient le diplome des Beaux-Arts en 1991, puis bénificie de deux bourses (Fullbright et Lavoisier) en 1991 et 1992 pour étudier à la Parsons School de New-York.
Retour en France en 1996.
Elle travaille dans son atelier de Montrouge et expose dans des galeries, des centres d’arts et des salons en France et à l’étranger. (lire la suite…

Filiations

Naître d’une mère et d’un père professeurs de gymnastique semblait destiner Hélène Jacqz à « faire carrière » dans le sport. Après son baccalauréat, au bout d’un an de formation sportive, elle entre dans la danse, tout entière, avec une ferveur qui la conduit au bout de dix-huit mois à une quasi-paralysie. Une histoire de corps la précède, celle de son père, Alain Dugros, qui, dans les années 55, contracte la tuberculose. Durant son séjour de deux ans en sanatorium, sa vie prend un nouveau cours. Il lit beaucoup, s’initie à la céramique, dessine et peint, toutes choses qu’il poursuivra longtemps en parallèle avec l’enseignement du sport. Et même si sa sincérité de peintre-amateur et sa conception de l’art ne franchissent pas l’impressionnisme, même s’il reste hermétique à l’art moderne, son sens inné de la couleur et son intérêt pour la création ne sont pas étrangers aux futures recherches de sa fille. Ainsi, père et fille ont en commun le dépassement des limites du corps par l’ouverture au monde de l’art.
Très tôt, c’est un lieu surtout qui vient fortement et en silence s’imprimer chez Hélène Jacqz. Chaque été, la famille retrouve pendant deux mois la maison des Bordes sur Arize, dans l’Ariège, village de trois cents habitants et pays de l’arrière-grand-mère. Chaque été donc, les émotions se renouvellent, s’approfondissent, pieds dans l’eau, rêveries dans les arbres ou ballades en vélo, détours par les chemins abandonnés, le regard portant loin sur l’océan des collines, des Pyrénées à la plaine. Sur cette filiation « naturelle » vont venir se greffer d’autres filiations, d’autres ouvertures.
C’est après l’aventure de la danse qu’elle entame une période de grande créativité. Elle fabrique des pièces uniques de bijoux avec des matériaux de récupération, travaille pour un artisan, suit des cours de dessin, décidant enfin de « devenir peintre ». Vient couronner cet élan la rencontre de jeunes créateurs qui l’encouragent à entrer aux Beaux-Arts, ce qu’elle fait en 1986.

Formation

Bénéficiant de beaucoup d’autonomie — les étudiants sont grandement livrés à eux-mêmes —, elle se fixe un cadre d’entraînement strict et durant deux ans, dessine beaucoup. La troisième année, elle entre dans un atelier « peinture ». Autre entraînement : aller au Louvre dessiner d’après les Maîtres, apprendre ainsi à voir jusqu’à la construction interne et intime qui sous-tend toute œuvre d’art. C’est là, dit-elle, qu’elle commence à « entrer » dans la peinture, alors qu’autour d’elle s’affirment et règnent des courants auxquels elle ne se rallie manifestement pas : art conceptuel, nouvelles technologies. Admiratrice de Vuillard, Bonnard, Corot, des Primitifs, elle peint dans la lignée des Nabis.
En 1990, elle obtient le 1er prix de dessin de l’Institut des Beaux Arts (Prix Pierre David Weil). Elle obtient son diplôme en 1991, puis, la même année et l’année suivante, deux bourses (bourse Fullbright pour les échanges internationaux des Nations Unies et bourse Lavoisier, du ministère des Affaires étrangères) qui lui donnent accès à la Parsons School of Art de New-York, à l’obtention d’un master et surtout, à la découverte d’une culture nouvelle.
Les cinq ans passés à New York influent radicalement sur sa conception de l’art. Elle ressent la limitation de son approche de la peinture, jusque-là liée à la « représentation de la réalité » et commence à peindre sans motif particulier, suivant la densité de la charge émotive et s’éloignant du pouvoir rassurant de l’analyse. Son travail interroge la trace — la tache — comme signe de l’expression de l’inconscient, s’inspirant du mouvement Cobra et notamment de Joan Miró. La rencontre avec la peinture américaine (Motherwell, De Koenning) la lance vers ses propres explorations et sa pratique picturale ne cesse, depuis lors, d’évoluer, de moins en moins marquée par des influences identifiables.

La période newyorkaise :

« J’étais déjà très intéressée par l’Art primitif et sa charge vitale : l’art rupestre, l’art des civilisations anciennes, égyptiennes, précolombiennes, grecques… À l’époque, j’étais encore très attachée à la représentation de la réalité.
C’est alors que j’ai découvert le jazz par la rencontre de  mon futur mari, Vincent, musicien.
J’ai fait un parallèle immédiat avec la peinture. Dans cette musique — improvisation sur des thèmes en filigrane —, les musiciens réagissent musicalement aux impulsions données par l’ensemble du groupe, apparemment sans réflexion consciente. C’est un état proche de la transe, où la confiance en soi est fondamentale et la prise de risque toujours importante. Mais en arrière-plan, cette liberté tient à la maîtrise de l’instrument et de la musique. Tout cela m’a fait énormément réfléchir. Le jazz a été une rencontre tout à fait essentielle, une prise de contact avec ce que je crois être l’essentiel de la création artistique ».

Pourquoi la peinture ?

Tels l’avers et le revers de la main, vie et pratique artistique sont indissociables chez Hélène Jacqz :
« Cette liberté intérieure que je recherche constamment est loin d’être innée. Je m’efforce avant tout de la cultiver au quotidien. Le travail en est le reflet. Dans la peinture, il y a un moment où tout se joue, où il faut tout donner sans aucun doute, et c’est dans ce lâcher prise, très loin du hasard, que la peinture apparaît. Il s’agit cependant d’un travail de persévérance : c’est, me semble-t-il, l’accumulation des efforts dans le temps qui m’apprend à négocier ces moments-là et à parvenir petit à petit à une expression authentique ».
Liberté intérieure. Travail. Lâcher prise. Don total. Persévérance. Authenticité.
Voici les maîtres mots de cette artiste. Et si cela peut faire sens pour le regardeur, ce qu’elle donne à voir, c’est tout autant la « qualité de présence » de sa quête intime que celle des images peinte qu’elle produit. Et c’est aussi, sous la peau des formes et des matières, la complexité harmonieuse de ce qui est convoqué lors de l’acte créateur : exigence et geste ouvert ; intériorité et expressivité jaillissante ; culture de l’instant et persévérance dans le temps ; matière et esprit ; obscurité hantée par la lumière. Autrement dit, vibre devant nous une histoire poétique d’éléments (terre, ciel, mer) et de règnes (végétal, animal, minéral). Une histoire VIVANTE.
Aussi, ne cherchons pas dans cette œuvre l’uniformité. Car le défi d’explorer de nouveaux champs porte toujours des fruits inattendus : variations des registres, des couleurs-paysages, passages d’une dimension (verticale) à une autre (horizontale) sont dictés par la tonicité, l’explosivité… par « des histoires d’énergie », dit-elle.
Rythme, espace, lumière.

Trois fondamentaux qui se combinent dans la couleur pour une danse de sensations à partager, pour une méditation possible, pour que naisse une étoile.
Maïté Vienne-Villacampa –  Mai 2008 –