2018
Magazines Saisons de Culture par Marc Albert Levin
CADENCES et RITOURNELLES
Pour expliquer l’évolution de sa peinture en 2018, Hélène Jacqz écrit : « J’ai eu envie de légèreté, de me dégager de la couleur pleine toile, des outils lourds et de revenir à des gestes simples et enlevés, comme des annotations » H.J. 2018
Au même moment, dans mon anachronique du flâneur n°18 dans « Saisons de Culture » j’avais en tête ces mots quand j’écrivis :
J’aimerais sous-titrer cette 18e anachronique du flâneur « Ode à la peinture peinte ». Car je continue à trouver la peinture, sous toutes ses formes, extrêmement fascinante. J’ai appris à l’aimer quand on l’appelait «peinture informelle», «expressionisme abstrait», «paysagisme abstrait», «abstraction géométrique». Décriée dans la première partie du XXe siècle, puis portée aux nues dans la seconde, maintenant qu’elle est devenue un genre parmi d’autres, et parce qu’on la dit parfois « passée de mode », il me semble qu’elle est regardée souvent de façon très superficielle, et trop hâtivement jugée.
« … »
Dans l’abstraction, il existe encore bien des façons de peindre. Les ronds tracés d’une main enlevée par Hélène Jacqz proposent une autre sorte de promenade visuelle, bien plus concrète qu’abstraite. Elle offre au regard une jonglerie de cerceaux coloriés, une sarabande joyeusement dansée.
Avant leur accrochage dans la Galerie Insula, rue des Grands Augustins, Hélène a voulu me montrer ses toiles les plus récentes dans son atelier à Montrouge, et j’ai écrit pour elle un petit texte intitulé :
Ritournelles
C’est depuis 1988 que j’assiste, toujours avec surprise et souvent avec émerveillement, aux nouvelles récoltes que chaque exposition d’Hélène Jacqz propose à notre regard. Depuis les petits Bonnard ou Vuillard, ces vignettes figuratives qu’elle exécutait à la perfection au sortir de l’Académie des Beaux Arts, jusqu’aux très grands formats « abstraits » auxquels elle s’est attaquée dès son retour des Etats-Unis quelques années plus tard, toiles qui exigeaient d’elle un entraînement et une forme de coureur de fond, elle a joué sur bien des registres différents.
De sorte que je me demandais ce matin de février 2018 : Qu’est-ce qu’elle nous aura encore fabriqué cette fois-ci ?
J’en étais resté à un film réalisé en 2017 par Robin Tardieu sur son travail dans lequel on voyait à quel point la peinture chez elle était un corps à corps avec la toile, une gymnastique, un sport de combat. Formats immenses emplis à la vitesse du geste par de très larges brosses, chargées de couleurs épaisses. Et Hélène, dans une combinaison d’astronaute maculée de giclures et d’éclaboussures de peinture, découvrant, découpant et acceptant les trouvailles nées de ses grands gestes impulsifs et de ses intuitions.
Surprise, surprise, ce matin, les fonds colorés ont disparu. Il y a du blanc, de l’espace, autrement dit de l’air. Et une toute nouvelle luminosité. Il s’agit de variations sur un thème, un motif répétitif. C’est gai et léger comme un refrain. C’est de la peinture sérielle ou peut-être tout simplement une série de ritournelles. Evidemment, il ne faut pas que cela devienne un motif de papier-peint. Il y a pourtant une de ces peintures, évoquant les roses obsédantes d’une tapisserie d’hôtel américain, que je verrais bien venir hanter ma chambre à coucher.
Hélène Jacqz a en commun avec certains acteurs et certains musiciens qu’avant d’entrer en scène, il n’est pas rare qu’elle ait un trac dingue. Depuis le temps que je la connais, je sais que c’est plutôt bon signe. Une fois les premières toiles esquissées, c’est une profusion de nouvelles pistes qui s’offrent à elle, et elle n’a plus ensuite qu’un incroyable embarras du choix. En définitive, c’est dans cette profusion qu’un collectionneur trouvera son bonheur, choisissant un tableau dans cette nouvelle série de formes vibrantes et de couleurs fraîches.